Lorraine Gay

 


 

Lorsque "gay friendly" rime avec "attrape couillon".

 

Parmi les expressions récentes apparues dans les dictionnaires, l'expression anglaise "Gay Friendly" côtoie d'autres mots comme "homophobie" par exemple. Chacun sait ce qu'est un établissement gay ou homo : C'est un établissement qui accueille les homosexuels et qui les autorise à avoir le même comportement que peuvent avoir les hétéros dans tous les autres lieux de la planète, c'est-à-dire à se donner la main, à danser ensemble, à se faire un bisou et à se parler autrement qu'à voix basse. Il est tout de même étrange d'ailleurs que nos démocraties occidentales nous obligent à nous marginaliser et à nous cacher pour pouvoir vivre comme tout le monde, car ces droits tout simples devraient être la règle dans n'importe quel établissement ou lieu public. On nous reproche souvent le communautarisme, mais comment y échapper quand 99 % des commerces font encore preuve de discrimination et d'homophobie ?
Depuis quelques années, à coté des établissements gay et des établissements homophobes, est apparue une nouvelle catégorie de lieux : les "gay friendly". C'est à dire pas gay, mais amis des gays. La clientèle y est majoritairement hétérosexuelle mais bienveillante à l'égard des gays. Ici, plus de communautarisme ni de discrimination, homos et hétéros sont traités de la même manière. Chacun est libre de s'exprimer sans crainte d'être montré du doigt. Ce qui devrait, en fait, être la règle, devient une catégorie à part.
Mais le mot gay friendly signifie davantage. Les siècles de répression et de marginalité, la nécessité d'avoir une double vie, le refus à un moment donné de sa vie de rester dans la norme, les choix de vie, et la transgression du genre dans une société machiste, ont forgé peu à peu une sensibilité propre aux gays. Pour ma part, et je suis loin d'être le seul, je reconnaîtrai entre mille un garçon homosexuel même s'il n'est pas du tout efféminé. Lorsque je rentre dans un restau ou une boutique, je suis capable rapidement de dire s'il est tenu par un gay ou un hétéro sans même rencontrer son propriétaire. Des petits détails apparemment insignifiants, mais qui sortent des sentiers battus du ringardisme et du prêt à penser me mettent tout de suite sur la voie.
Alors pour moi, un établissement gay friendly, c'est d'abord un endroit ou je me sens bien, où je suis à l'aise, ou j'oublie que je suis pédé, où la clientèle sera indifférente à ma sexualité. C'est un établissement qui ne ressemble pas aux autres parcequ'il est curieux, atypique, original et n'entre pas dans les normes de la consommation de masse.
Malheureusement, depuis que le gay est devenu une cible marketing qui considère qu'il a un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne, beaucoup d'établissements ont senti le filon et se déclarent gay-friendly.
J'ai eu récemment l'occasion d'aller dans des bars et discothèques dits "gay-friendly" de la région. Très vite, je me suis aperçu qu'il s'agissait d'attrape couillons ! La soirée dite "gay" côtoyait dans le calendrier de l'établissement la soirée "infirmière", la soirée élection de "miss gros seins" et la soirée "je rote du pastis". Qu'y avait-il de gay ? Un gogo boy qui montrait son cul sur une table ? L'inévitable spectacle de travestis qui passe à 3 heures du mat alors que vous êtes à poiroter devant votre gin tonic à 15 euros depuis 23 heures ? J'ai vraiment eu le sentiment d'être pris pour une cible marketing, bref pour un cochon payeur. Quant à l'ambiance, n'en parlons pas : Pour la clientèle de beaufs qui fréquente habituellement le lieu et qui était là aussi ce fameux soir "gay friendly", j'ai eu l'impression avec mon mec, de faire partie du spectacle. J'imagine le frisson d'extase qu'éprouvaient ces lourdingues à pouvoir raconter le lendemain à leur collègue, qu'ils ont l'esprit large et qu'ils fréquentent même les zomos dans des boites "gay friendly". Quant aux patrons de ces établissements, je pense qu'ils n'ont toujours pas compris pourquoi les quelques gays présents ce soir là ne consommaient pas plus, voire moins, que la moyenne. Les aurait-on trompés sur le pouvoir d'achat des gays ?


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