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Homophobie et liberté de parole

 

Le 14 février, le Républicain Lorrain publiait un éditorial signé Pierre Fréhel sur l'homophobie et la liberté de parole. Les propos de cet éditorial ont provoqué une réaction immédiate des associations gay ainsi que des réponses dans d'autres journaux comme sur le site du Nouvel Observateur et dans le Monde. Metz Gay vous propose de vous faire votre opinion sur le sujet en publiant ci-après le texte de cet éditorial tel qu'il a été retranscrit sur le site du Nouvel Observateur, la réaction de l'Inter Centres LGBT en réunion à Metz cette même semaine, et notre commentaire.

Editorial du Républicain Lorrain :

"Intolérance
Peut-on encore parler? A-t-on le droit d'exprimer une opinion personnelle, une objection, un avis contraire ou tout simplement une idée originale?
Doit-on cheminer sur les seuls sentiers battus? Répéter les discours de la télé, s'en tenir aux prescriptions des voix autorisées, se ranger derrière l'avis général, lui-même placé sous le contrôle des leaders d'opinion?
Triste époque que celle qui honore le "politiquement correct", qui nous invite à la boucler mais qui serait mieux inspirée de se préoccuper du "socialement correct", parce que de ce côté-là il y a du travail... À moins que justement certaines postures morales ne soient adoptées pour mieux camoufler la véritable misère, celle du chômage, des plans sociaux, du surendettement, de l'exclusion et des contrats de travail à durée très limitée. L'homophobie est, certes, une vilaine manière, mais elle ne relève que de l'intolérance ordinaire. Les "bouffeurs de curé" d'antan n'ont jamais été traduits en justice. Pas plus que amateurs d'histoires belges! Chacun a son opinion sur la question. La République est diverse. Le danger qui nous menace aujourd'hui, c'est plutôt l'intolérance à l'égard de la tolérance. C'est la condamnation aveugle du franc-parler. C'est la traque du délit d'opinion. Quelques écrivains ont fait récemment l'objet d'un lynchage médiatique pour des propos "incorrects" qui naguère auraient seulement alimenté le débat littéraire. L'un d'entre eux, soupçonné d'islamophobie, se demandait si Céline et Morand seraient publiés de nos jours. Bonne question. L'Inquisition envoyait les hérétiques et autres libertins au bûcher. Nos démocraties libérales semblent prêtes à adresser les résistants aux tribunaux. Une loi contre l'homophobie? Le gouvernement est décidément en train de transformer les lois en outils de communication.
La victoire aux élections régionales est-elle à ce prix? Ou alors certains envisagent-ils réellement de borner nos parcours, de mesurer nos paroles pour mieux peut-être nous habituer au silence - définitivement? Au nom de la sécurité, on a déjà amputé la liberté des Français de quelques pans. Mais leur compréhension aussi a des limites."

Réaction de l'Inter Centre LGBT

Alliance des Centres lesbiens, gais, bi & trans de France et de leurs Membres associés
Communiqué de presse IC/2004/02

L'HOMOPHOBIE N'EST PAS UNE HISTOIRE BELGE

L'INTER CENTRES LGBT, Alliance des Centres lesbiens, gais, bi & trans de France et de leurs Membres associés, s'indigne du parallèle établi par Monsieur Pierre Fréhel (dans le Républicain lorrain du 14 février 2004) entre les « histoires belges » et l'expression de la haine homophobe.

 Aucun Belge n'a été brûlé vif ou ne s'est suicidé suite à une histoire belge. Chaque jour en revanche, des personnes lesbiennes, gaies, bi ou trans (LGBT) se suicident ou sont agressées à cause de la haine homophobe.

 L'homophobie n'est pas une « vilaine manière ». Les meurtres et les agressions homophobes non plus. Les propos homophobes légitiment ces passages à l'acte.

 Monsieur Pierre Fréhel se plaint que la libre expression de « l'homophobie ordinaire » soit menacée. Souhaite-t-il aussi la suppression des législations contre le racisme et l'antisémitisme ?

 Monsieur Pierre Fréhel dénonce une nouvelle « Inquisition » qui enverrait les homophobes au bûcher. Le 16 janvier dernier, c'est Sébastien Nouchet qui a été brûlé vif au troisième degré.

 Entre brûleurs et brûlés, Monsieur Pierre Fréhel a choisi son camp.


Analyse Lorraine Gay

Le "politiquement correct".

Comment ne pas être contre ce qu'on appelle "le politiquement correct" ou la pensée unique ? C'est au nom du politiquement correct que durant des dizaines d'années les homosexuels ont été condamnés à se taire et à se terrer comme des pestiférés. Les médias, les hommes politiques, les leaders d'opinion, les religions et l'opinion publique elle-même, ont toujours considéré qu'on ne pouvait être qu'hétérosexuel par défaut. L'homosexualité ne pouvait être que honteuse et cachée. La loi n'y faisait allusion que pour la condamner, les médias faisaient pire que de la combattre, ils la ridiculisaient, la singeaient ou au mieux l'ignoraient totalement. Et évidemment la société dans son ensemble suivait cette pensée unique. Pour le commun des mortels, l'homosexualité n'était qu'une maladie mentale ou au mieux une perversion. Oui, l'éditorialiste du Républicain Lorrain a raison, il faut combattre le politiquement correct, il faut lutter contre la pensée unique et le "prêt à penser" qu'on impose aux citoyens. Il est plus que temps que les médias soient plus corrosifs, décalés, originaux. Il est plus que temps que les diverses sexualités et surtout les divers modes de vie puissent s'exprimer. Il est plus que temps que le Républicain Lorrain cesse d'ignorer totalement l'existence d'homosexuels en Lorraine en se faisant le porte-parole de la majorité bien pensante et vieillissante de ses lecteurs. Combien d'articles ce journal a-il consacré à l'homosexualité depuis le début de son existence ? Combien de fois a-t-il glorifié le couple hétérosexuel en ignorant totalement que le mot couple peut aussi s'appliquer aux homosexuels ? Combien de fois a-il dénoncé les agressions homophobes que les gays de la région ont subi depuis des dizaines d'années sur les lieux de drague ? Combien de fois a-t-il parlé des meurtres homophobes de la région depuis ces 50 dernières années ? Que cet éditorialiste se rassure, la pensée unique est encore loin d'être du côté qu'il imagine. Et si l'homosexualité commence un petit peu à être visible dans notre société, cette visibilité est encore largement inférieure à la proportion que représentent les homosexuels dans la population. Si les homosexuels commencent timidement à goûter à la liberté d'expression, il est légitime qu'ils veuillent protéger cette liberté récente et fragile en réclamant des lois qui leur donnent les mêmes droits qu'à l'ensemble des citoyens. Il est légitime qu'ils réclament des lois qui les protègent enfin des agressions verbales et physiques dont ils ont été les victimes depuis des lustres. Il est légitime qu'on leur applique aussi, comme à tous les citoyens, les principes de la République qui leur ont toujours été refusés : "Liberté, Egalité, Fraternité."

Le "socialement correct"

Cet éditorialiste estime qu'on ferait mieux de dénoncer la misère, le chômage, les plans sociaux, le surendettement, l'exclusion. Oui, bien sûr, il s'agit de maux de notre société. Mais quel rapport avec l'homophobie et les homosexuels ? Les homos ne sont-ils pas concernés aussi par ces problèmes ? En sont-ils les responsables ? Il ne s'agit là que d'un procédé vieux comme le monde : on accumule une liste d'évidences pour mieux crédibiliser sa démonstration.

L'homophobie est une vilaine manière.

C'est presque amusant de constater que les gens qui vivent dans leur tour d'ivoire et qui n'ont jamais été confrontés à la réalité de la vie sont sourds et aveugles au monde qui les entoure. "Le peuple n'a pas de pain ? Qu'il mange de la brioche !", "L'homophobie ? Une vilaine manière !".
Que cet éditorialiste sacrifie une demi-journée de sa vie à tendre son oreille dans les cours de récréation ou dans les quartiers de banlieue, et il pourra constater qu'on ne fait pas qu'y raconter des histoires belges ou de pédés.
C'est au nom de cette vilaine manière que les nazis ont envoyé des milliers d'homos dans des camps où ils ont été torturés, castrés et assassinés. C'est au nom de cette vilaine manière que l'Europe libérée a totalement occulté cette réalité historique et a méprisé la mémoire des gays tués par le nazisme et que les quelques rescapés des camps ont subi une deuxième humiliation, celle de se taire et de se faire oublier. C'est au nom de cette vilaine manière que des faibles d'esprit insultent, agressent et assassinent des gays. C'est au nom de cette vilaine manière qu'un nancéen a récemment été jeté dans le canal où on l'a laissé se noyer. C'est au nom de cette vilaine manière qu'on a immolé par le feu un homme dont le seul crime était de vivre heureux et en couple avec son compagnon.

Quand on connaît cette réalité, on ne peut pas employer des telles expressions. Il est temps que des journalistes qui ont une quelconque influence sur l'opinion publique ouvrent leurs yeux et fassent leur métier au lieu de répéter pour la millième fois les discours éculés.
Enfin que cet éditorialiste se rassure, ce n'est pas une loi qui sanctionne les insultes homophobes qui supprimera les blagues de comptoir sur les pédés. Cette loi ne changera pas la nature profonde des mâles qui ne peuvent se rassurer sur leur virilité qu'en se moquant des homos ou des femmes. Non. Cette loi doit simplement cesser de légitimer les insultes qui poussent aux agressions qui poussent aux meurtres.





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